L'HIPPOTRAGUE NOIR

A mon humble opinion, la plus belle antilope d'Afrique à égalité avec le grand koudou mais malheureusement bien trop rare. L'hippotrague noir a été chassé à outrance par les chasseurs et a pratiquement disparu d'Afrique de l'Est. Il n'y a guère que dans les réserves de Ruaha, Selous et Mikumi en Tanzanie que l'on peut espérer le croiser. Au Kenya on ne les trouve que dans la réserve de Shimba Hills. Ils sont plus nombreux en Afrique australe mais jamais en densité élevée sauf peut-être à Hwange au Zimbabwe.

L'hippotrague noir est un membre de la famille des hippotraginés qui désigne les antilopes chevalines. Ces antilopes sont parmi les plus belles mais aussi les plus rares antilopes d'Afrique et regroupent de superbes specimens comme l'antilope rouanne, l'addax, le gemsbok ou encore l'oryx algazelle. Ces antilopes, à l'exception des hippotragues, sont adaptées aux milieux arides et aux déserts. Elles sont de grandes tailles et possèdent une crinière et une tête qui évoque vaguement celle d'un cheval d'où leur nom d'antilope-cheval. Le terme hippotrague signifie d'ailleurs cheval-chèvre en grec ancien.

On distingue plusieurs sous-espèces d'hippotragues noirs qui sont en réalité très semblables en apparence et ne se distinguent des unes des autres que par la longueur de leurs cornes et leurs marques faciales. L'hippotrague noire géant (Hippotragus variani) endémique à l'Angola possède les cornes les plus impressionnantes mais n'est plus imposante que les autres sous-espèces contrairement à ce que son nom pourrait laisser croire. L'hippotrague noir de Roosevelt (Hippotragus roosevelti) d'Afrique de l'Est présente ou sud-est du Kenya dans les Shimba hills et en Tanzanie orientale jusqu'au Selous est certainement la sous-espèce la plus petite. En Afrique australe, l'hippotrague noir commun (Hippotragus niger niger) est la sous-espèce la plus répandue du nord-est de l'Afrique du Sud jusqu'en Zambie en passant par l'Angola, le Botswana, le Mozambique, la Namibie et le Zimbabwe. Dans la ceinture de miombo qui entoure les forêts équatoriales du bassin du Congo du Nord de la zambie au sud-ouest de la Tanzanie et le Malawi, on trouve deux sous-espèces très proches que sont l'hippotrague noir de Kirk (Hippotragus niger kirkii) et à l'Est l'hippotrague noir d'Ansell (Hippotragus niger anselli). Ces deux sous-espèces sont très proches en apparence et certains auteurs ne font pas de distinction entre ces deux sous-espèces qu'ils considèrent comme appartenant toutes les deux ) la sous-espèce d'hippotrague noir de Kirk.

Hippotrague noir commun mâle (Hwange, Zimbabwe)

MENSURATIONS

Longueur : 190 cm-255 cm (175-182 cm pour l'hippotrague noir de Roosevelt)

Hauteur au garrot : 117-143 cm

Poids : F= 190-230 kg (160-180 kg pour femelle de l'hippotrague noir de Roosevelt)  ; M= 200-270 kg (190-250 kg pour le mâle de l'hippotrague noir de Roosevelt)

ECOLOGIE

Habitat : L'hippotrague noir est inféodé aux savanes boisées de miombo et aux écotones (zones de transition) entre zones boisées et savanes herbeuses ou prairies. On le trouve également dans les savanes arborées. Il affectionne tout particulièrement les zones boisées dotées d'un parterre de plantes herbacées et entrecoupées de clairières ouvertes. Les hippotragues fréquentent surtout les zones boisées pendant la saison des pluies et s'aventure dans des milieux plus ouverts pendant la saison sèche à la recherche d'herbes vertes.

Nourriture : Les hippotragues sont principalement des herbivores mais se font phyllophages lors de la saison sèche. Ils jettent leur dévolu sur les herbes vertes relativement courtes d'une hauteur allant de 40 à 140 mm (Grobler) et inférieure à 160 mm à haute valeur nutritive. Toutefois, il ne se nourrit pas d'herbes rases comme le gnou et la gazelle de Thompson. La disposition de son museau est adaptée à un régime alimentaire sélectif avec une prédilection pour les touffes d'herbes tendres n'ayant pas encore achevées leur croissance. Ils ont une prédilection particulière pour les touffes d'herbes qui poussent sur les termitières. 20% du régime alimentaire de l'hippotrague noir est composé de feuillage (Estes) surtout en saison sèche lorsque les plantes herbacées ont disparu ou ne sont plus comestibles. Les hippotragues noirs complètent leur régime alimentaire en visitant les salines pour en extraire les minéraux. De même, ils n'hésitent pas à lécher les os des carcasses qu'ils peuvent trouver pour satisfaire leurs besoins en calcium et en phosphore. Les hippotragues noirs boivent en général quotidiennement mais peuvent se passer d'eau pendant plusieurs jours dans les milieux les plus arides ou pendant la saison sèche.

Comportement et structure sociale : L'hippotrague noir est une antilope grégaire. Trois groupes sociaux peuvent être distingués : les hardes reproductrices, les hardes de mâles célibataires et les mâles territoriaux. Les hardes reproductrices comptent en général une dizaine jusqu'à une vingtaine de femelles et leurs petits parfois jusqu'à une centaine (il s'agit en réalité d'une congrégation de plusieurs hardes reproductrices qui finissent par se séparer surtout à la saison des pluies). Il existe une hiérarchie au sein des hardes reproductrices basée sur l'âge. La femelle la plus agée est à la tête de la harde et c'est elle qui en détermine les mouvements. Cette dernière est également dominante sur les mâles subadultes présents dans la harde qui sont chassés par les femelles à lorsqu'ils atteignent l'âge de 3 ans. La hiérarchie est maintenue par le biais de comportements aggressifs comme le fait de frotter ses cornes ou sa tête sur le corps d'une autre femelle, mais également par la présentation de profil et l'abaissement des cornes en signe de menace (Estes). Les différentes femelles maintiennent entre elles une certaine distance. Les hardes reproductrices errent sur un domaine vital qui englobe le territoire de plusieurs mâles. Plus une zone est riche en ressources plus le domaine vital de la harde sera réduit et ses mouvements limités au point d'être sédentaire; notamment pendant la saison des pluies. 

Les mâles atteignent leur pleine maturité à 5 ou 6 ans, âge auquel ils établissent leur territoire. Comme pour les femelles la taille du territoire est inversement proportionnelle à sa richesse en ressources. Les territoires richement dotés sont également plus petits et plus aisément défendables. Le territoire est marqué par les fèces qui sont déposées à intervalles réguliers le long des bordures du territoire. Il s'agit d'un comportement ritualisé où le mâle gratte le sol de ses deux pattes antérieures en alternance avant de déposer ses fèces tou en remuant la queue. Le mâle territorial manifeste sa dominance en employant le répertoire habituelle des antilopes : la présentation de profil mettant en valeur ses cornes et sa taille, le balancement de la tête et des cornes, le frottement des cornes sur la croupe d'un animal subordonné. Le mâle territorial utilise ce même répertoire lorsqu'une harde reproductrice pénètre sur son territoire. Les mâles subadultes présents dans la harde montre leur respect au mâle dominant en baissant la tête à l'horizontale en signe de soumission. Le mâle territorial possède également un statut supérieur à celui de la femelle dominante même si cette dernière continuera à dicter les mouvements de la harde. Lorsqu'une harde reproductrice est présente et en mouvement sur son territoire, le mâle dominant peut la rejoindre et se place à l'arrière à l'image des étalons dans un troupeau de zèbres. En général, il laisse le soin à la femelle dominante de diriger les mouvements de la harde mais peut intervenir si cette dernière tente de quitter son territoire. Le mâle territorial guide le mouvement des femelles en baissant la tête à l'horizontale tout en balancant ses cornes et en renaclant. Il peut aussi effectuer la présentation latérale de profil pour leur barrer le chemin ou présenter ses cornes à mi-hauteur en signe de menace. Si la harde de femelles ne suit pas la direction désirée, le mâle peut charger et poursuivre les individus récalcitrants en rugissant. Lorsque la harde reproductrice s'établit et demeure dans une localité donnée sur le territoire du mâle jusqu'à devenir sédentaire, ce dernier a tendance à s'isoler et à demeurer dans les sous-bois.

Une spécificité de l'hippotrague noir est l'inégalité qui existe entre les mâles territoriaux. Il s'agit d'une situation inhabituelle chez les antilopes dans la mesure où les mâles territoriaux jouissent d'un statut équivalent et évitent les confrontations. Chez les hippotragues noirs, il n'est pas rare qu'un mâle territorial solitaire envahisse le territoire d'un autre mâle territorial si une harde reproductrice est présente sur le territoire de ce dernier. Pour ce faire, l'intrus n'hésitera pas à défier le mâle territorial et à engager le combat. Si l'intrus gagne, le mâle territorial vaincu quittera brièvement son territoire jusqu'à ce que le vainqueur le quitte. Une autre possibilité est pour un mâle de suivre une harde reproductrice sur le territoire d'un autre mâle territorial qui s'effacera.  En réalité, dans les deux cas,  le vaincu est souvent un jeune mâle venant d'établir son territoire qui cède face à la séniorité de son adversaire. Lorsque des hippotragues combattent ils  s'agenouillent sur leurs pattes antérieures épaule contre épaule avant de tenter de donner des coups de cornes par-dessus l'épaule que l'adversaire tentera de parer. Les combats entre hippotragues peuvent être très violents eu égard à la puissance et la dangerosité des cornes en forme de cimeterre. Lorsque deux individus sont de statut équivalent, ils évitent le combat en se tenant respectivement de profil en parallèle inversée à quelques distance l'un de l'autre reconnaissant mutuellement leur statut.

Les mâles qui ont été chassés de la harde reproductrice et qui n'ont pas encore établi leur propre territoire forment des hardes de célibataires pouvant regrouper une dizaine d'individus qui errent entre les territoires dans zones dégradées.

Les hippotragues sont des antilopes diurnes actives tôt le matin entre la levée du jour et jusqu'à 9h00. Elles se reposent et ruminent pendant les heures les plus chaudes de la journée avant d'être de nouveau active en fin d'après midi jusqu'au crépuscule. Elles se retirent la nuit pour ruminer. Elles peuvent être actives également lorsque la lune est claire. 

Comportement reproducteur : La période d'accouplement de l'hippotrague noir a lieu  à la fin de la saison sèche (sauf chez l'hippotrague noir de Roosevelt qui peut se reproduire toute l'année) et la période de naissance à la saison des pluies et surtout à la fin lorsque la nourriture est la plus abondante. Comme chez la plupart des antilopes, le mâle teste l'urine de la femelle pour déterminer sa réceptivité et la suit en allongeant le cou et la tête à l'horizontal et effectue le laufschlag (coup de la patte antérieure entre les jambes de la femelle ou à l'abdomen en prélude à l'accouplement). Si la femelle se montre peu disposée, le mâle peut devenir agressif et la poursuivre en rugissant. Cette dernière prendra la fuite en poussant des cris de détresse jusqu'à s'accroupir en signe de soumission.

La période de gestation est de huit mois. La femelle s'isole pour mettre bas. Le petit reste caché dans la végétation pendant trois semaines avant de suivre la femelle et rejoindre la harde. Il s'associe alors avec d'autres jeunes dans des crèches ne recherchant sa mère que pour têter. Le jeune est sevré entre six et huit mois. 

Prédateurs: L' hippotrague noir figure rarement au menu des grands prédateurs pour plusieurs raisons. C'est un animal très puissant, de grande taille qui possède de grandes cornes recourbées en forme de cimeterre qu'il n'hésite pas à utiliser contre les prédateurs. C'est par ailleurs une antilope combative qui n'hésitera pas à faire face à un prédateur plutôt que de fuir. Un hippotrague a déjà été vu chargeant et faire fuir une lionne. Dans les Shimba Hills au Kenya, un hippotrague mâle a également chargé un léopard qui s'était attaqué à un hippotrague juvénile et était parvenu à le faire fuir. Un groupe d'adultes avait également fair fuir deux léopards qui avaient saisi un petit. La distance de fuite est  la plus faible de toutes les antilopes face à un prédateur.

L'hippotrague noir figure peu au menu des grands prédateurs car les forêts de miombo dans lesquelles il vit sont peu fréquentées par les grands prédateurs. Dans le miombo, le léopard est le principal prédateur des hippotragues noirs (Grobler) suivi par la hyène tachetée pourtant peu présente dans cet écosystème. Le léopard, surtout le mâle, est un animal suffisament puissant pour terrasser un hippotrague noir adulte mais évitera en général de prendre un tel risque en raison de la dangerosité et de l'aggresivité de cette antilope. Il existe cependant un cas avéré de prédation d'un léopard sur un jeune hippotrague mâle (Grobler). En revanche, les jeunes hippotragues et les subadultes sont souvent victimes du félin tacheté.

Dans les milieux plus ouverts et les savanes arborées, le lion, les meutes de lycaons et les hyènes tachetées deviennent les principaux prédateurs des adultes. Les guépards s'attaquent surtout aux jeunes mais les coalitions de guépards mâles peuvent s'en prendre à un adulte. Les crocodiles du Nil de grande taille sont un danger également pour les adultes. Les jeunes sont également la proie des chacals en plus des prédateurs cités. 

Meilleurs endroits pour l’observer: L'hippotrague noir est un animal insaisissable, très difficile à observer. La réserve de Hwange au Zimbabwe est la seule réserve où l'espèce est encore commune et où son observation reste fréquente et aisée. La réserve de Kafue (sud) en Zambie et de Chobe au Botswana font également partie des meilleures réserves pour l'observer et dans une moindre mesure le nord du Parc Kruger en Afrique du Sud. En Afrique de l'Est, le Ruaha et Mikumi en Tanzanie semblent être les seules réserves où on peut encore le voir mais sans garantie. Au Kenya, la réserve de Shimba Hils est l'unique réserve où il existe encore des troupeaux. Les chasseurs occidentaux ont une grande part de responsabilité dans la disparation de ce superbe animal. 

Même dans les réserves où il est présent, l'hippotrague noir ne s'observe pas facilement et il est difficile d'approcher cet animal à moins de 30m, sa distance de fuite par rapport aux véhicules est assez importante.